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Structuré par le terrain

Jeune Pygargue à queue blanche - Croquis de terrain
En début d’année, j’ai fait un petit tour le long de certains lacs côtiers réputés pour leur avifaune. La mer d’un côté, et de l’agriculture intensive de l’autre. Le temps ne faisait que rajouter à cette austérité, avec un plafond de nuages bas et un puissant vent de sud glacé et incessant. Peu de choses à observer sur ce lac transformé en mer tempétueuse.
Gros coup de frein ! Je me gare sur le bas côté, car à quelques dizaines de mètres, un attroupement des Corneilles mantelées entourent un jeune Pygargue à queue blanche qui finit son repas. J’installe la longue-vue dans la voiture mais comme souvent, à peine l’œil dans l’oculaire, que l’oiseau s’envole. S’en suit, un long ballet aérien dans lequel face au vent, il vadrouille sans un battement d’aile, balancé par les rafales.
 
Après quelques essais hésitants, je finis par obtenir ce croquis.
 
Contrairement au Guillemot de ma dernière publication, pas d’aquarelle à suivre ce coup-ci. Je n’ai pas fait d’annotation de couleur sur le moment. Et à me focaliser sur la forme de l’oiseau dans le vent, j’en ai oublié d’observer les valeurs et couleurs. Comme souvent, je crois avoir bien observé mais au moment de la mise en pratique, je réalise que non.
 
Pour terminer la peinture, il faudrait alors que j’invente ou bien que j’imite une photo, et cela ne m’intéresse pas. Je ne veux pas peindre un pygargue lambda, ou le pygargue typique des guides d’identification. Je veux peindre ce pygargue-ci, à ce moment-là, dans ces conditions.
 
En peignant d’après la réalité, il y a une tension très particulière qui s’établit, entre le sujet, ici le pygargue toujours mouvant dans une lumière changeante, mon émotion qui motive le dessin devant une telle observation, et le croquis qui a toujours une grande part de doute : quel va être le résultat? Vais-je réussir à retranscrire ce que j’ai observé? Est-ce que je vais avoir le temps de finir?
 
A chaque fois le résultat n’est que partiel, c’est inévitable. Mais tout le bonheur de cette démarche est dans le recherche de cette capture toujours plus complète, toujours plus fidèle, de l’animal, de l’observation, du réel. C’est vers ça que je tends. L’objectif (la reproduction parfaite) bien qu’inatteignable, et peut-être même non-souhaitable, donne la direction, le sens de chaque dessin.
 
Face à une photo devant mon écran d’ordinateur, cette tension s’évanouit instantanément. Tout est fixe, j’ai donc tout mon temps. Je peux zoomer à ma guise. Je peux me perdre dans les détails mais jusqu’où? La limite est arbitraire et dépend du « style » de chacun, qu’il soit volontaire ou non. Mais personnellement, je m’y perds et garde un sentiment d’artificiel vis-à-vis de l’image que je vais en sortir. D’une certaine façon, je gagne en détails ce que je perds en saisie globale, en dynamique, en authenticité.
 
Le terrain pose des contraintes qui structurent mon travail, qui impose un rythme entre l’œil et la main, entre l’observation et le dessin. Et le dynamisme qui en résulte dans l’image, reste curieusement inimitable en atelier.
Enfin, le dessin de terrain éduque, pousse à observer réellement, ce qui mène à apprendre en comprenant davantage son sujet. Et lorsque l’oiseau est parti et que je me retrouve avec ce croquis entre les mains, c’est toujours le même plaisir, d’avoir pu capturer par des moyens aussi simples qu’un crayon et du papier, un petit bout de cette belle réalité.
 
Adrien

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